Le trust a connu le mépris des législateurs sorciers de la DGI
et DGFIP, qui, suite à l'affaire Poillot, n'arrivaient pas à
se faire à l'idée de ne pas pouvoir l'appréhender avec les
modalités juridiques et fiscales à leur disposition en France.
L'idée fixe alors, après l'affaire Poillot, fût de redéfinir le
trust, selon des modalités doctrinales fictionnelles digne de Harry
Potter. Le mot "réputé" figure dans la fiction uniquement au sien
du dispositif sur les droits de donation et de succession, et ainsi
se permet de jouir du flou crée par le dissonance entre la
définition juridique, car il n'y en a pas, et une présomption
prescrite d'ordre purement fiscale. Tout juriste digne de cet
appellation sait que la définition subtilisée de la Convention de
la Haye de 1984 n'est pas une définition réelle du trust, mais un
outil de classification de droit international privé permettant aux
juges de pays parties à cette convention de déterminer si un
mécanisme de propriété étranger peut bénéficier des obligations de
reconnaissance conventionnelle prévue dans le loi interne du pays
contractant. La France alors s'était contentée de signer mais de ne
pas ratifier la convention car Bercy a non seulement fermer la
porte mais l'a verrouillé avec un cadenas, ainsi privant les
personnes concernées de la reconnaissance de leurs statuts, droits,
ou en ce qui concerne les bénéficiares discrétionnaires, l'absence
de droits, et puis les a soumis à un régime d'imposition fictif et
sans fondement juridique aucun dont la constitutionnalité est loin
d'être acquise.
La loi française, elle toujours fidèle au poste, commence
toutefois à reprendre possession du terrain vide ainsi approprié
vi, clam, et precario.
L'article 792-0 bis I.1 CGI lit ainsi:
"I. - 1. Pour l'application du présent code, on entend par trust
l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un Etat
autre que la France par une personne qui a la qualité de
constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y
placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur,
dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la
réalisation d'un objectif déterminé."
Commençons par la notion d'"organisme" ou "institution" qui
figure ailleurs dans le code et notamment à l'article 123 bis
CGI:
« 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France
détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions,
parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité
juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution
comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un
régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de
cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de
capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion
des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement
ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne
morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution
comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de
créances, de dépôts ou de comptes courants. » (Version
1999).
L'article 123 bis du CGI ne s'appliquait que si une personne
physique détient 10 % des « actions, parts, droits financiers ou
droits de vote dans une personne morale, un organisme, une fiducie
ou une institution comparable .... ». Or, un trust irrévocable et
discrétionnaire ne peut être détenu par qui que ce soit dans cette
manière. C'est de la connerie à l'état quintessentielle, ainsi que
le Cour d'appel administratif de Paris vient de reconnaître.
Dans son arrêt du
24 juin 2020, n° 19PA00458, la cour adminstrative d'appel de
Paris a estimé inapplicable l'article 123 bis du CGI à un trust
irrévocable et discrétionnaire.
L'administration s'est fondée sur l'article 123 bis du CGI pour
imposer les revenus mobiliers réputés perçus par un contribuable
qui avait constitué trois trusts irrévocables et
discrétionnaire aux Bermudes, auxquels il avait transféré des
actifs lui appartenant.
La CAA a estimé au vu des travaux préparatoires de la loi de
finances pour 1999, que l'article 123 bis peut s'appliquer aux
trusts.
Mais de bien entendu au cas visé, les contribuables ne
détenaient aucune action, part ou droit de vote dans ces trusts.
C'est une impossibilité et un non-sens juridique. Si ceux-si
pouvaient bénéficier des produits générés par le trust, la décision
de remettre au bénéficiaire des sommes (et leur montant) était,
comme dans l'affaire Poillot, à la discrétion du trustee, ici
une société non contrôlée par le contribuable et sa famille.
L'article 123 bis était ainsi écarté.
Cet arrêt est conforme à l'analyse juridique des trusts
irrévocables et discrétionnaires. Il contient un paragraphe
intentionnellement surabondant, introduit par « au surplus, et en
tout état de cause », selon lequel à supposer même que le
contribuable puisse être considéré comme détenant des droits dans
les trusts, il pourrait se prévaloir de la clause de sauvegarde
issu de la jurisprudence constitutionnelle (C. const., 1er mars
2017, n° 2016-604 QPC). Selon cette jurisprudence, le contribuable
peut en toute hypothèse démontrer que cette détention n'est pas
constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de
contourner la législation française, ce qui était démontré en
l'espèce.
L'article 123 bis du CGI actuel s'applique à une détention de 10 %
des « actions, parts, droits financiers ou droits de vote », mais
prévoit plusieurs clauses de sauvegarde.
"1.....Pour l'application du premier alinéa, le caractère
privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux
dispositions de
l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal
applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de
l'article 206." et
"2....La détention indirecte s'entend également des actions,
parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou
indirectement par le conjoint de la personne physique, ou leurs
ascendants ou descendants. Toutefois, ces actions, parts, droits
financiers ou droits de vote ne sont pas pris en compte pour le
calcul du revenu de capitaux mobiliers de la personne physique
mentionné au 1."
Alors, dans le cas de Private Trust Companies ou Family Offices
prenant cette forme et qui agissent comme trustees pour une famille
concernée, cette distinction de droits de vote risque de ne pas
être opérable car l'administration peut se fonder sur le fait du
contrôle absolu du trustee par la famille concernée. Dans ce
cas, il faudrait en être bien plus circonspect et bien préparer le
terrain pour l'éventualité ou un membre de la classe bénéficiaire
ou même un constituant à paraître s'installe en France.
Ainsi, même si l'article 123 bis avait vocation à s'appliquer à
ce jour à des trusts irrévocables et discrétionnaires constitués
dans des États et territoires non coopératifs, sa mise en œuvre
peut être neutralisée.
Il faut bien en prendre conscience avant le Saint Sylvestre pour
les rescapés du Brexit