Cet article porte simplement une
attention sur le droit civil français, et n'a pas pour ambition
d'étendre son analyse de l'usufruit français à d'autres
juridictions ou leurs équivalents.
Il existe plusieurs cas dans
lesquels un démembrement de la propriété en usufruit et en
nue-propriété peut se produire, et il est important de comprendre
la manière dont le droit civil français l'appréhende. Les analyses
à partir d'un point de vue purement Anglo-Saxon peuvent être
dangereuses, et faire l'impasse sur l'analyse des problèmes plutôt
que de les résoudre. Tenter de comparer les différences nécessite
une méthode rigoureuse afin que chaque analyse soit correcte,
plutôt que de faire de simples spéculations de droit comparé,
fondées sur un plan pratique et non théorique.
Avant le Code civil de 1804, selon
la coutume d'une région donnée en France, l'usufruit était soit un
droit de propriété distinct soit l'équivalent d'une charge sur la
propriété. La question des divergences coutumières entre les
différentes régions françaises a en principe été résolue, par
l'article 578 du Code civil, qui dispose que l'usufruit est un
droit de propriété distinct par nature.
Les conséquences de ce principe
fondamental sont en cohérence avec les autres dispositions du Code
civil, relatives à la propriété et au droit de propriété et ses
attributs.
Cela se réfère également aux
dispositions relatives à l'époux survivant, à la suite du décès de
son partenaire. Bien que ce principe soit d'origine légale, il peut
être étendu par testament ou d'autres dispositions. Il existe une
différence substantielle à ce stade, qui peut engendrer des
conséquences sur le plan fiscal et sur le dispositif concernant les
biens situés à l'étranger de la personne décédée, plutôt que sur un
plan successoral.
Le pré requis nécessaire pour
comprendre comment ces mécanismes constituent un élément de la
théorie civiliste de l'unité absolue de la propriété est de prendre
en compte l'existence du contrat social, fondement de la
Constitution républicaine. C'est exactement le contraire des
théories relativistes de la propriété en référence au fidéicommis
ou aux droits équitables, comme il l'a été exposé dans la
législation anglaise sur la propriété plus d'un siècle après, en
1925. La Révolution a d'ailleurs été, en partie, une révolte pour
que la législation sur la propriété soit modifiée.
Le démembrement est l'allocation de
certains droits définis de jouissance de propriété à une autre
personne avec un terme défini par la loi, calculé en années ou même
en référence à une vie entière : la rétention par un
usufruitier sur la donation ou la vente d'une propriété qu'il
détient d'une autre personne est donc un démembrement. Il existe
d'autres droits qui peuvent être exercés de cette manière, tels que
le droit d'usage ou le droit d'usage et d'habitation.
Le propriétaire ou, dans le cas du
démembrement, le nu-propriétaire en fin de terme, ont un droit
absolu de propriété et disposent de toutes les prérogatives liées à
celle-ci.
Le propriétaire dispose de
l'usus et du fructus en tant que
propriétaire, ainsi que le nu-propriétaire, dès l'extinction
de l'usufruit, sans condition aucune. Dans le cas où il n'y a pas
de prétention concurrente, l'usufruitier a alors un droit relatif
sur la propriété, c'est à dire son usage et ses fruits, au regard
des articles 578 et 582 du Code civil, durant
l'existence de l'usufruit.
Il n'y a donc pas de transfert de
ces derniers, de quelque forme que ce soit, en cas d'extinction de
l'usufruit. Lors de cette extinction, c'est par le jeu de l'article
544, qui définit la propriété, que le propriétaire est déjà doté
des droits et prérogatives sur le bien, dont la jouissance de
celui-ci, que sont l'usus et le
fructus.
Parler de succession des droits
d'usus et de fructus entre l'usufruitier
et le propriétaire est donc une absurdité, d'autant plus que de
faire une déclaration de « succession » selon les termes
et conditions du s 43 ITA 1984 n'est pas la bonne
solution.
Le point important à garder en tête
est que l'usufruit est valable selon un terme.
S'il est retenu sur un don de la
nue-propriété, ce don équivaut à un droit, non du fait de sa
gratuité, mais du fait des droits de pleine propriété qui en
résultent à l'extinction du terme.
Il n'y a donc pas de succession ou
d'équivalent de l'usus et du fructus à
l'extinction du terme.
Cela est déjà considéré comme un
principe de droit envers le nu-propriétaire sur la réserve du
donateur de l'usufruit, pour un terme défini par la législation. Il
n'y a pas d'arrangement ou de trust sur ces droits. Idem pour le
droit de l'époux à un usufruit sur les biens de l'époux décédé, si
l'époux survivant le choisit.
Il n'y a pas non plus
d'administration des biens durant l'existence de l'usufruit, étant
donné que ce droit ne requiert pas d'assistance, ce n'est pas un
droit « impropre » dépendant d'une partie tierce ou de
l'usufruitier pour son administration ou son exercice.
En revanche, la logique de la
démarche de l'administration britannique impliquerait que les
enfants mineurs anglais joueraient le rôle de fidéicommissaire pour
leurs parents. Ceci est une nullité depuis la loi anglaise de 1925
sur la propriété. Cela démontre clairement l'absurdité d'imaginer
que là où il n'y a rien, il y aurait un trust ou un
arrangement.
Pour faire le parallèle avec un
équivalent, le Scottish Proper Liferent peut s'avérer
utile. « Proper », dans ce contexte, signifie que le
droit est administré par une seule personne, non par quelqu'un
d'autre en votre nom. Le terme français « propre » est
similaire : il n'y a pas d'administration implicite par une
tierce personne.
Dans le mécanisme écossais, le
concept « d'administration » apparaît seulement lorsque
les biens sont dans les mains du fidéicommissaire, et administrés
par une partie tierce.
Dans son essence, le terme
« administration », tel qu'il est employé dans le s
43 (2) Inheritance Tax Act de 1984, sert à distinguer les
biens détenus par les trusts et arrangements des biens détenus
selon le principe standard de taxation tel que défini dans la
première partie de l'Acte.
La façon dont un usufruit peut
apparaître et disparaître peut seulement être appréhendée en
référence à cette seule définition de la propriété. L'article 617
du Code civil précise dans quels cas l'usufruit est éteint, et donc
se termine.
Il est à souligner que certains
commentateurs anglais ont envisagé l'usufruit français avec un
terme anglais en années, et un bail valable à vie. Bien qu'un tel
terme puisse être considéré comme un accord valable selon le droit
anglais, un usufruit n'est pas un bail ou une location selon le
droit français, et est donc distinct de ce concept. Alors que le
droit peut être acquis en contrepartie, il n'y a pas de location
qui puisse être considérée comme une charge.
Même si les comparaisons entre
l'usufruit et la notion de life interest peuvent
s'avérer utiles, il n'y a pas vraiment d'intérêt sans les
contrastes implicites, et les différenciations.
Il s'agit de l'incohérence légale et
analytique dans laquelle les Européens sont actuellement
confrontés, en tentant de faire de l'harmonisation avec une simple
comparaison des systèmes.
La liberté de mouvement des capitaux
entre les États membres de l'Union Européenne, au bénéfice de leurs
résidents, ne tolère pas une requalification arbitraire des droits
de propriété dans une forme et une substance étrangères. Au sein de
leur union boursière et fiscale, les Américains se doivent
d'accorder entier crédit et confiance (« full faith and
credit ») aux formes légales provenant d'autres États que le
leur, afin de permettre à leurs marchés boursiers de fonctionner et
de prévenir l'érosion monétaire. Pour le moment, cette condition
essentielle semble être ignorée à Bruxelles et dans les trésoreries
des États membres.
En d'autres termes, selon l'HMRC,
l'administration fiscale britannique, l'usufruit, en sa forme
française, n'existerait plus en Angleterre en tant que droit de
propriété, intérêt, ou quelque valeur que ce soit, et se remplace
par un dédoublement juridique, source de double imposition et sans
crédit pour l'imposition éventuelle déjà payée en
France.
Revenons sur le principe de
l'usufruit français : bien qu'il soit normalement un simple
droit viager, il peut être expressément stipulé comme conjoint ou
successif au sein des dispositions qui l'ont créées. En d'autres
termes, il est possible, de manière exceptionnelle, de transférer
un usufruit en cas de mort, en tant que droit, sous réserve de
dispositions expresses. Par la suite, celui-ci conserve sa valeur
jusqu'à son terme, s'il est exprimé en années ou en référence à la
durée de vie de son titulaire, donc successif.
Autrement, il n'y a pas de
succession ou de transfert de l'usufruit en cas de mort.
L'usufruit avec un terme défini en
années n'est pas un bail, ce dernier étant réglé par une autre
partie du Code civil. L'usufruit ne peut pas être comparé à un
terme en années, tel que défini par la loi de propriété
britannique, car celui-ci n'est pas régi par les mêmes principes.
D'où le contraste.
Arthur Petit
Master 2 Droit international privé
et du commerce international
Université Paris 1 - Panthéon
Sorbonne